Cette reconnaissance arrive pourtant dans une situation économique qu’il juge extrêmement préoccupante. « Mon père est dans la société depuis plus de 42 ans. Il m’a dit que c’est la première fois où c’est autant », confie-t-il, décrivant une crise d’une intensité inédite.
L’activité chez les particuliers, qui représente l’essentiel des chantiers de Yako Peinture, s’est effondrée : « On travaille à 90 % chez des particuliers… et quand on voit le coût de la vie, les gens font de moins en moins appel à nous. On le sent. » Pour Usseyni Arabaci, le marché est désormais « mou », avec une stagnation qui s’installe. À cela s’ajoute une absence totale de visibilité : « On n’a pas de visu pour les mois, les années à venir. » Le recrutement devient impossible. « Les charges sont lourdes, très lourdes. Si on baissait les charges, nos entreprises seraient à la hausse. »
Cette conjoncture alimente une inquiétude qu’il partage avec de nombreux artisans du secteur : « Il y en a certains qui ne vont pas tenir. » L’artisan dénonce également une perte de reconnaissance du travail manuel : « L’artisanat, on le perd. Tout est mécanisé maintenant. Mais un pistolet ne remplacera jamais un travail fait à la main. » Il évoque aussi la réalité économique quotidienne : « On travaille douze, quatorze heures par jour, parfois le samedi et le dimanche… et si vous faites le prorata, vous êtes moins payés qu’un SMIC. »
Face aux débats nationaux sur les très grandes fortunes, l’amertume est palpable : « Nous, on est tout en bas. On n’est pas valorisés. » Malgré tout, il refuse de céder au découragement : « Je ne lâcherai pas », assure-t-il. La transmission reste un pilier central de son engagement : « Une fois qu’on arrive à bien canaliser un jeune et à lui apprendre avec amour, n’importe quel apprenti peut s’investir. »
Alors qu’il s’apprête à recevoir le label de Maître Artisan, Usseyni Arabaci y voit une fierté, mais reconnaît que cette distinction intervient « dans un moment où tout est compliqué ». Sur l’avenir, il se veut lucide mais combatif : « C’est une passe. Comme toute crise, il y a toujours le beau temps qui revient. Il faut juste patienter et avoir les reins solides. »