Restos du Cœur : « Que ceux qui dénoncent l’assistanat viennent passer une journée avec nous ! »

Invitée de C6 Radio ce mardi matin, Françoise Casadebaig, responsable des Restos du Cœur de Gironde, constate un démarrage « très fort » de la campagne hivernale, ouverte il y a à peine une semaine. Les centres girondins accueillent un nombre croissant de personnes qui n’avaient jamais eu recours à l’association auparavant. Un signe clair de l’aggravation de la précarité.

Restos du Cœur : « Que ceux qui dénoncent l’assistanat viennent passer une journée avec nous ! »

Un seuil psychologique encore puissant

De nombreuses personnes sont orientées par les services sociaux, mais une part grandissante franchit la porte spontanément, incapables de couvrir leurs dépenses essentielles. « Ce n’est jamais facile de pousser la porte, même 40 ans après », rappelle Françoise Casadebaig. Cette honte persistante rend l’accueil central : écoute, réassurance, absence de jugement. Pour certains, ce moment constitue le seul échange humain de leur semaine, un élément devenu aussi essentiel que l’aide alimentaire.


Une précarité élargie : étudiants, travailleurs pauvres… et de plus en plus de retraités

Les Restos du Cœur Gironde constatent une hausse nette des étudiants en difficulté, mais aussi des travailleurs pauvres dont certains, malgré un emploi, dorment dans leur voiture faute de pouvoir se loger. L’évolution la plus marquante demeure toutefois l’arrivée croissante de retraités. Souvent seuls et disposant de pensions trop faibles pour faire face à la hausse générale des prix, ils représentent une part de plus en plus visible du public accueilli. « Pour eux, la situation ne s’améliorera pas », indique Françoise Casadebaig. Les centres voient également affluer davantage de personnes seules et de familles monoparentales.


Isolement, fragilité et rôle crucial de l’écoute

L’arrivée croissante de retraités isolés et de personnes vivant seules souligne une dimension essentielle du travail des Restos : rompre la solitude autant que la précarité alimentaire. Pour certains, venir au centre constitue autant un soutien matériel qu’un soutien humain. « Beaucoup de personnes viennent et c’est le seul moment où elles parlent avec quelqu’un de la semaine», explique la responsable. Pour les bénévoles, l’accueil et l’écoute sont donc des missions premières, indissociables des paniers distribués.


L’assistanat, un discours en décalage complet avec le terrain

Les critiques récurrentes sur « l’assistanat » ne correspondent en rien au fonctionnement réel observé dans les centres. La grande majorité des bénéficiaires vient par nécessité, non par confort. Les chiffres sont explicites : 64 % des familles reçues l'an dernier venaient pour la première fois, et seules 14 % reviennent l’année suivante. Les Restos du Cœur constituent un coup de pouce ponctuel, qui permet à la plupart des personnes de rebondir. D’où la réaction ferme de Françoise Casadebaig : « Que ceux qui dénoncent l’assistanat viennent passer une journée avec nous ! »


2,5 millions de repas distribués en 2024

En Gironde, 2 500 000 repas ont été distribués l’an dernier, auxquels s’ajoutent 68 000 repas destinés aux personnes vivant dans la rue. Les besoins restent constants : dons financiers, produits alimentaires, hygiène et fournitures pour enfants.


Une organisation sous tension mais qui tient

Malgré quelques pénuries ponctuelles, notamment sur les œufs, l’association parvient à suivre la hausse de fréquentation. La grande collecte annuelle aura lieu en mars.


Une aide élargie aux démarches administratives

Les Restos déploient désormais un véhicule aménagé en bureaux pour accompagner les familles dans leurs démarches sociales, juridiques ou administratives. Il se rendra dans les 40 centres girondins afin d’aider ceux qui peinent à s’orienter dans des procédures complexes.


Bénévoles mobilisés, mais disponibilité réduite

L’esprit de Coluche – respect, convivialité, solidarité – demeure, mais les bénévoles disposent de moins de temps qu’autrefois. Les Restos recherchent notamment des chauffeurs et des bénévoles qualifiés pour leur service RH. L’ouverture d’un nouveau centre à Saint-Augustin permettra de soulager celui de Mérignac, saturé avec 600 familles accueillies.


Épilogue amer

À peine son entretien terminé, Françoise Casadebaig a appris que le centre des Restos du Cœur de Talence venait d’être vandalisé. C’est la deuxième fois en quelques mois. La première fois, les visiteurs étaient repartis avec… un peu de chocolat.